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Le syndicat FO informe et défend le personnel MILEE

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TRIBUNAL DE STRASBOURG LE 17 SEPTEMBRE 2010

Vendredi 17 septembre. 8h30’ audience du tribunal correctionnel de Strasbourg .

Après deux affaires l’une concernant des jets de pierre sur une vitrine et l’autre un petit-fils ayant volé des chèques à ses grands-parents arriva l’affaire du jour : les prévenus Frédéric Pons (PDG Adrexo) et Michel Scholtès (DR Alsace) devant répondre du délit de travail dissimulé à l’agence de Fegesrsheim.

 A l’appel de leur nom, les deux prévenus,tête basse, s’approchèrent de la barre et répondantaux questions du président concernant leur identité et qualité, nous apprîmes que le salaire mensuel de Frédéric Pons est de 20.000€/ mois et celui de Michel Scholtès de 5 à 6.000€/mois. De nombreux salariés étaient venus, la salle était comble ce qui ajoutait encore à leur gêne bien compréhensible.

Maître Chabas, avocat de Frédéric Pons, prit la parole en premier. Habitué à impressionner les distributeurs devant les conseils de Prud’hommes, il invoqua d’une voix de stentor, le geste large faisant virevolter ses manches, les lunettes-loupe en guise de baguette de chef d’orchestre, la nullité de l’action.

A l’époque des faits, Frédéric Pons n’était pas gérant, directeur général certes mais pas gérant et il n’avait pas de « délégation de pouvoir », ce qui l’innocente « de facto ». Par contre, ajouta-t-il, Michel Scholtès lui....avait la «  fameuse délégation de pouvoir ». Me Chabas précisa, en outre que certains documents de l’inspection du travail ne lui étaient pas parvenus.

Le Président rejeta les arguments et concernant les documents non parvenus rappela à Me Chabas concernant les annexes qu’il s’agissait de travail dissimulé et que le code était respecté.

Concernant la délégation de pouvoir de F. Pons, le Président lui demandaen quelle qualité il avait accompagné Hervé Pinet (son prédécesseur) à un conseil d’administration.En tant qu’accompagnateur, répondit Frédéric Pons.

Alors, commença vraiment l’interrogatoire des deux prévenus et le tribunal eut droit aux explications des deux prévenus.

Tout d’abord, le Président énuméra les faits et demanda des explicationsà F. Pons.

F. Pons commença par définir Adrexo et sa place sur le marché. Adrexo est une des 100 sociétés de distribution directe opérant sur le marché français mais ce n’est pas la première et de loin. La première place revient à Mediapost filiale à 100% de la Poste et qui bénéficie d’un statut particulier !

Frédéric Pons fit ensuite part de sa stupéfaction en assurant qu’en aucun cas « le temps réel de travail ne doit dépasser celui indiqué sur la feuille de route ». Selon ses affirmations, la distribution est étalée sur 72 heures et le distributeur a le loisir de distribuer quand il veut durant ce délai. Normalement, une distribution va du lundi au mercredi, exceptionnellement au-delà !

Concernant le salaire moyen du distributeur, je crois avoir entendu qu’il était de 700€/mois. Il est vrai qu’il n’avait pas tout à fait l’assurance que nous lui connaissons par ailleurs et qu’il parlait quasiment à voix basse.Il faut reconnaître quel’acoustique défaillante de la salle combinée à une assistance réagissant à chaque contre-vérité, il était parfois difficile d’entendre des propos souvent inaudibles.

Frédéric Pons informa le tribunal que les distributeurs étaient soumis à la modulation du temps de travail et nous fûmes tous heureux d’apprendre que la régularisation des heures portées au contrat avait lieu chaque année.

Concernant les typologies, il était plus qu’étonné puisque selon ses dires, plus de 6500 typologies étaient revues à la hausse tous les ans. D’ailleurs, ajouta-t-il, Adrexo applique à la lettre la CCNDD et considère comme habitat individuel toute adresse n’ayant qu’une BAL et, comme collectif toute adresse ayant au moins deux BAL «actives » ! Une typologie s’effectue en fonction de trois critères selon lui : le ratio habitat collectif/habitat individuel, la densité d’habitation et la position géographique selon qu’il s’agit de ville, zone suburbaine ou zone rurale.

Il expliqua que la CCNDD lui permettait d’établir des grilles de cadences pour les tournées de plus de 500 g et réfutacomplètement le fait que certaines poignées dépassent le kilo !

Pour affirmer ses dires, il s’appuya sur le récent décret qui viendrait, à son avis, confirmer la politique Adrexo en matière de définition des secteurs.

Concernant la préparation, Michel Scholtès, expliqua que cette activité se passait généralement devant la télévision et qu’il était donc difficile de mesurer le temps. Le Président lui rappela que les PV faisaient état de dépôts non chauffés où il est impossible de préparer et que la préparation n’était pas concernée mais uniquement la distribution.

Frédéric Pons expliqua que les contrôles de l’inspection avaient dus être faits par des salariés qui avaient volontairement ralenti les cadences pour allonger le temps. A cette remarque le Président lui rappela que les inspecteurs et contrôleurs du travail étaient des fonctionnaires assermentés et que le dossier laissait apparaître qu’un distributeur cité dans le PVavait un secteur vraiment vraiment classé dans la typologie idoine (R3 en l’occurrence) et travailler quasiment le temps inscrit sur la feuille de route. Mais il avait fallu batailler très longtemps pour obtenir le reclassement en R3 !

F. Pons rétorqua que toutes les demandes de modification sont généralement validées par le service de « géo-marketing » situé au siège.

M. Scholtès vint quelque peu contredire F. Pons en prétendant que souvent ses demandes de modification n’obtiennent pas de réponse.

De toute façon, expliqua F. Pons, le CHSCT est conformément à la convention systématiquement consulté et valide les demandes faites.

D’ailleurs, rajoutera Me Chabas dans sa plaidoirie, Adrexo est en période électorale et justement pour pallier à toutes ses lenteurs, 9 CHSCT seront créés ......après les élections.

Au fur et à mesure que les deux prévenus étaient interrogés, il y avait de la gêne et quand, tout à trac, le Président demanda s’il y avait beaucoup de litiges, F. Pons répondit qu’il n’y avait eu à sa connaissance que deux grèves et moins de 1% de Prud’hommes.

En conclusion, le Président demanda s’il y avait d’autres assignations pour travail dissimulé et la réponse fut immédiate : non, c’est la seule affaire de travail dissimulé en cours.

Le Président, dubitatif, regarda F. Pons qui semblait avoir oublié qu’il y a un TGI à Mont de Marsan et un autre à Pau où Adrexo devra aussis’expliquer.

Le pas lent, les épaules voûtées sans un regard pour la salle, les 2 prévenus rejoignirent leur banc où les attendait le DRH.

L’interrogatoire des prévenus était terminé.

Puis les deux contrôleurs vinrent s’expliquer et répondre aux questions du Président et de Me Chabas, toujours droit, le menton relevé, l’air martial, prêt au premier effet de manche pour impressionner l’auditoire.

Ils expliquèrent leur méthodologie et répondant aux accusations de F. Pons sur la lenteur, l’un des deux contrôleurs affirma qu’en tant que « semi-marathonien », il avait eu du mal à suivre un distributeur pourtant quinquagénaire dans sa distribution.

F. Pons aurait dû se souvenir qu’en général, les quinquas travaillent chez Adrexo pour économiser le coût d’une salle de sports. C’est ballot parfois, les trous de mémoire.

Alors Me Chabas, perfidement demanda s’il y avait beaucoup de plaintes de salariés de Mediapost. Les contrôleurs répondirent qu’il y avait des plaintes mais aucune concernant les typologies et le chauffage dans le dépôt. Me Chabas crut alors impressionner le tribunal en expliquant que Mediapost est une filiale à 100% de La Poste échappant de ce fait au contrôle de l’Inspection du travail.

La réponse fut cinglante : Mediapost est une entreprise de droit privé où les inspecteurs du travail vont faire des contrôles et concernant Adrexo, les contrôleurs regrettèrent que tous les dossiers envoyés à Aix en Provence soient classés sans suite.Avocat à Aix en Provence, Me Chabas ne répondit pas.

Les contrôleurs du travail enfoncèrent le clou en expliquant que pour gagner encore plus d’argent, contrairement à ce qu’écrit la convention collective, nombre de distributeurs ont des feuilles de route contenant plusieurs secteurs et que les frais ne sont payés qu’une fois et uniquement sur la base du secteur le plus proche.

Enfin les plaidoiries des parties civiles qui ne firent que reprendre les éléments du dossier pour prouver le travail dissimulé.

Les plaidoiries des parties civiles étant terminées, le Procureur fit son réquisitoire.

Réquisitoire accablant s’il en est. La Procureur démonta le système Adrexo, expliquant par le menu le système mis en place pour augmenter les profits aux dépens des salariés.

Le ministère public insista sur l’importance de la société Adrexo et focalisa sur le fait que l’infraction n’était pas un cas isolé mais un véritable système organisé.

La Procureur mit en exergue le système et le disséqua. Adrexo a trouvé au travers de la CCNDD unsystème qui lui permet de dévoyer le sens même de la convention. En appliquant des paramètres délibérément faussés, les typologies sont définitivement fausses et largement sous-estimées.

Selon elle, il ne s’agit pas d’un accident ou d’une erreur, mais d’un système général de l’entreprise qui pour augmenter sa marge s’ingénie à ne jamais payer le temps réel de la distribution.

D’ailleurs rappelle-t-elle àFrédéric Pons que c’est lui-même qui a dit lors de son interrogatoire à la barre ce matin qu’en « aucun cas le temps réel de travail ne doit dépasser celui de la feuille de route » mais qu’il prenait tous les moyens pour ne pas appliquer cette règle.

Il convient donc de condamner tant F. Pons que M. Scholtès à une peine de 4 à 5 mois de prison avec sursis et 2000€ d’amende chacun.

Au bout de plus de deux heures d’audience, une pose de 15 minutes s’imposait. Il était midi passé.

L’audience reprit et les avocats des prévenus firent leur réquisitoire. Il fut convenu entre eux que Me Chabas ferait la plaidoirie principale, alors que l’avocate de M. Scholtès ferait juste un complément de plaidoirie pour son client.

Avocat de F. Pons et d’Adrexo en général, Me Chabas entame sa plaidoirie et reprend les affirmations de son client en donnant pendant près de deux heures les arguments qui lui semblaient importants.

Il informe le tribunal que jamais Adrexo n’avait été condamnée pour travail dissimulé.

Il confirme les dires de F. Pons sur le fait qu’il n’y avait aucune autre action judiciaire en cours à ce jour.

Il revient sur les documents fournis par l’inspection du travail et les listes de salariés.

Tout d’abord il est évident, que F. Pons est totalement innocent des faits qui lui sont reprochés. Bien au contraire, avec tous les millions investis, les milliers de typologies modifiées avec l’aval des syndicats ce qui rend au passage les constitutions de parties civiles de la CFTC et FO comme inacceptables, tout ce qui a été dit est faux.

La convention a été accouchée dans la douleur après dix ans de négociations selon ses dires et c’est une bonne convention qu’Adrexo applique scrupuleusement. Conformément à ce qui a été dit les typologies sont calculées selon 3 critères décrits plus haut et sont analysées par le service de « géo-localisation »de l’entreprise qui les valide après accord du CHSCT qui les étudie aussi.

 Il rappelle que la préparation fait l’objet d’un avenant en date du 16 juin 2004 et curieusement personne ne semble se plaindre des cadences de préparation. Mais, il est vrai ajoute-t-il qu’il serait largement plus difficile de contrôler cette activité puisqu’il s’agit de travail à domicile !!

Travail à domicile a expressément dit Me Chabas, intéressant non ?

 D’ailleurs prétend-il, dans toutes les organisations syndicales ont signé un accord d’entreprise en mai 2005 validant la CCN et l’améliorant pour le plus grand bien du personnel !!!

D’ailleurs, ajoute-t-il un décret de 2007 annulé en 2009 mais repris en 2010 est là pourprouver ,s’il en est besoin, qu’Adrexo est bien dans le vrai et qu’il applique scrupuleusement la CCNDD.

Selon lui, depuis 1 an des dizaines de procès tant en première instance qu’en appel voire en cassation ont été perdus par les distributeurs. Me Chabas ne fera pas l’injure d’en faire l’énoncé au Président, car il sait parfaitement que le Président les connaît tous.

D’un geste auguste, il évacue cette prétendue histoire des poignées de plus de 500g en demandant si un annuaire « Pages Jaunes » doit être distribué en morceaux de moins de 500g.

Adrexo a pour éviter ce genre de choses mis justement en place fort à propos une grille et il est vrai ajoute-t-il, Force Ouvrière, qui ne partage pas cette vision a fait un recours devant..........la commission d’interprétation et de conciliation de la CCNDD.

Evidemment, avouer qu’il y a saisine du TGI par FO pour la poignée de 500g et le 1er mai ne serait peut-être pas à l’avantage des deux prévenus qu’il défend.

Tous les ans, affirme-t-il, près de 6000 typologies sont modifiées,présentées au CHSCT et validées par lui. FO et la CFTC sont membres du CHSCT et donc responsables des éventuelles erreurs.

Pour mieux définir les secteurs, les organisations syndicales et Adrexo ont mis en place un système d’UL (unité locale) qui affine encore la définition des secteurs. Perdu dans les informations erronées que lui a données Adrexo, il ignore qu’il s’agit des UG.

Il reprend les PV des contrôleurs, sort de son contexte certains extraits égratignant au passage Madame Münch et considère que les fonctionnaires ont été sous la coupe des syndicalistes qui se portent aujourd’hui partie civile. Pour preuve, le témoignage de l’adjoint du chef de centre qui se trouve être aussidélégué syndical CFTC

 Le Président lui rappelle que ce sont des fonctionnaires assermentés.

 Il trouve étonnant que la CFTC et FO soient parties civiles rappelant qu’en date du 26 janvier 2010, ces deux organisations syndicales ont demandé une révision de la CCNDD. Se tournant vers Frédéric Pons qui acquiesce de la tête, il ose dire que la révision a été validée par la Commission paritaire mixte.

 En conclusion, rien ne justifie la condamnation de Frédéric Pons.

 Me Schaeffer prend la relève et quasiment inaudible revient sur la liste des plaignants. Il est difficile d’entendre ce qu’elle dit sinon, qu’ellerécite la liste avec un commentaire pour chacun d’eux.

En tant qu’avocate de Michel Scholtès, elle approuve la plaidoirie de Me Chabas et la reprend à son compte en ajoutant toutefois qu’au vu du contrat de travail de Michel Scholtès, qu’au vu de l’organisation d’Adrexo , ce dernier n’a pas de délégation de pouvoir. Il doit donc être relaxé.

 Le Président rappelle les deux prévenus et leur demande s’ils ont quelque chose à ajouter.

« Rien » disent-ils dans un souffle.

 Le jugement est mis en délibéré au 22 octobre.

 Il est 14h40’ l’audience est levée. Elle aura duré près de 5 heures !!

Il est malheureux qu’un auxiliaire de justice comme Me Chabas puisse énoncer autant de contre-vérités à l’audience sans qu’aucune contradiction ne lui soit apportée puisque, selon la procédure, il parle en dernier. Ayant omis d’envoyer ses conclusions aux parties civiles, celles-ci n’ont puy répondre dans leur plaidoiries. Mais, nous sommes en correctionnelle et tant le réquisitoire que les plaidoiries ne sont là qu’à titre consultatif et ne lientpas le tribunal qui est souverain dans sa décision.